Entrer en écriture comme on ouvre une porte.
[size=9]Les clefs sont là, posées au centre de la pièce. Qui aura l’audace et l’appétit de les saisir ? car chacun porte en lui l’excuse d’avoir osé. Embrasser une lettre, coucher avec les mots, ou pire les accoucher ! C’est sale, c’est sanglant, c’est glaireux !
Se baigner dans les mots, établir une proximité. Cela surprend !
Le mot est un arbre qui pousse, une rivière qui chante. Ecrire c’est pêcher des poissons, faire la grande roue, monter et redescendre, apercevoir les toits, sourire aux inconnus, crier ou avoir peur. C’est parfois regretter, c’est revenir souvent sur les pas du passé. Chercher son aventure au travers des lexiques. C’est aimer, découvrir, chiner, retrouver.
Au fond de ses pensées, ressortir un chandail qui nous ramène au loin. Toucher sa maille, respirer son odeur comme un goût de terre bleue.
Lorsque j’écris, je me couche sur les lits des rivières. J’écoute les pierres qui me disent leurs secrets. Souvent, comme l’eau, je pleure pour rejoindre les mers. Je cherche sous les herbes et je remue les vases. Les tourbillons que je crée font danser les particules. Mon esprit est parti !
Je tangue et je glisse comme un poisson, les yeux ouverts, je me faufile. Je tire la laine jusqu’à finir les pelotes. Je mélange les couleurs.
Je suis un ver, je ne suis rien et pourtant j’avale la terre !
Je file, je tisse, je compose.
Je suis un Peau-Rouge aux yeux bandés. Je n’ai peur de rien sur mon cheval fougueux. Et les pages se tournent, écoutez la musique des mots, faites le silence. Lisez-moi, cœur à cœur ! Ca gronde, ça galope, ça gratte. La plume crisse mais ne doit pas crisper. La plume est mon aile sauvage. Elle est la gardienne de mes mots.